[INTERVIEW] Matthieu Pouget-Abadie, VP Students Marketing chez OpenClassrooms

Créée en 2013, OpenClassrooms est une école en ligne offrant des parcours diplômants et professionnalisants à une communauté de trois millions d’étudiants chaque mois à travers le monde. OpenClassrooms donne la priorité à l’employabilité et a pour objectif d’aider chaque année un million d’étudiants à trouver un travail ou évoluer dans leur carrière à partir de 2025.

Comment a réagi OpenClassrooms à l’annonce du confinement national ?

D’un point de vue organisationnel, nous sommes passés très rapidement au 100% télétravail. Nous étions préparés. D’une part parce que nous avions commencé à anticiper l’arrivée du Covid, mais aussi parce que le ‘100% télétravail’ est un objectif de long terme d’OpenClassrooms, en adéquation avec notre modèle d’éducation en ligne.

Dès le début, nous avions conscience du rôle que nous avions à jouer dans cette situation si exceptionnelle. Notre mission est de rendre l’éducation en ligne accessible à tous et nous avions le savoir-faire pour accompagner les organismes qui avaient des difficultés à mener l’enseignement à distance. Nous avons donc mis en place une initiative de ‘continuité pédagogique’ et rendu accessible, gratuitement, l’ensemble de notre bibliothèque de cours aux établissements de formation. Au total nous avons accompagné plus de 2000 établissements parmi lesquels des écoles, des universités, des centres de formation professionnelle, etc. C’est plus de 200 000 étudiants qui peuvent bénéficier gratuitement de nos 500 cours en ligne.

Comment a évolué la demande pour les cours en ligne en dehors des établissements de formation ?

La demande globale de formation a été forte pendant la période. Chez OpenClassrooms, nous avons enregistré des pics de trafic de +150% par rapport aux niveaux habituels. Je parle ici d’un trafic qualifié, dont la durée de visite est suffisamment longue pour témoigner d’une consommation des cours.

Il faut dire que des millions de personnes étaient retenues chez elles sans pouvoir mettre leur temps à profit et les entreprises ont massivement poussé leurs collaborateurs à se former pour gérer les situations d’activité partielle. C’était un « bon mauvais moment » pour se former, tant du point de vue des particuliers – via un financement par le CPF ou un financement personnel – que du point de vue des salariés, via le financement des entreprises. Pour nous, c’était toutefois très important de ne pas transformer cette situation en simple opportunité commerciale. Le confinement nous a également rappelé les différents défis associés à la formation en ligne (car l’environnement du foyer peut parfois présenter trop de contraintes pour suivre des cours en ligne avec succès), défis sur lesquels nous travaillons pour proposer une série de produits adaptés aux différentes situations personnelles.

Nous avons aussi aménagé notre offre de formation autour des emplois aidés, des formations adaptées à l’activité partielle ou encore des formations financées par la puissance publique. Nous avons bénéficié des programmes de financement par la puissance publique, qui voulait apporter des preuves de soutien aux demandeurs d’emplois motivés par une formation professionnelle dans le cadre de leur recherche d’emploi.

OpenClassrooms est ressorti comme un acteur essentiel car nous sommes la seule école en ligne capable d’agir à la fois sur l’ensemble du territoire et sur une si grande diversité de formations professionnelles (métiers du développement informatique, du marketing, des RH, etc.). En termes de communication, nous avons bénéficié des communications des différents financeurs (puissance publique, entreprises, etc.) et avons adapté nos actions dans un marché beaucoup plus attentif. Le challenge était moins de convaincre le marché que de le qualifier et lui proposer des solutions adaptées.

Personnellement, comment envisagez-vous « l’après » ?

Il y aura définitivement un après qui ne ressemblera plus à l’avant. Le premier constat c’est que, forcées de sauter le pas, les entreprises ont expérimenté la facilité de basculer vers le télétravail. Dans les entreprises de services, je suis convaincu que très peu de collaborateurs reprendront le travail à 100% dans les bureaux. Bien sûr, cela représente un changement de paradigme pour beaucoup de sociétés, qui vont devoir entreprendre des transformations des outils, process et organisations, mais globalement, toutes vont développer plus profondément le télétravail puisqu’elles ont constaté son efficacité.

Et ce que l’on observe dans le monde du travail, je suis convaincu que l’on va l’observer aussi dans le monde de l’éducation. Les gens se rendront compte qu’étudier en ligne peut être utile et productif, et que l’incrément de connaissances que leur apporte l’éducation en ligne est tout aussi important que celui apporté par l’éducation standard. Je pense que nous allons voir apparaître une série de nouveaux produits et outils destinés à accompagner les établissements de formation et les entreprises à faire du learning en ligne. Il existe déjà plusieurs plateformes qui proposent cela (comme nous) mais le marché étant encore peu mature, l’offre ne pourra que tendre vers la diversification.

Propos recueillis le 15 mai 2020