DMA : Annonceurs, à vos marques, prêts, changez !

La loi sur les services numériques (DSA – Digital Services Act) et la loi sur les marchés numériques (DMA – Digital Markets Act) constituent un ensemble de nouvelles règles qui s’appliquent à travers l’UE, visant à créer un espace numérique plus sûr et à établir des conditions équitables pour favoriser l’innovation, la croissance et la compétitivité. Le DSA est déjà en vigueur et le DMA entrera en application le 6 mars 2023. Ces nouvelles réglementations vont transformer le paysage numérique de l’UE. Il est crucial pour les annonceurs de se préparer rapidement à ces changements. Explications.

Comprendre le DMA

La loi sur les marchés numériques (DMA) est une réponse réglementaire à certains comportements anti-concurrentiels affichés par les acteurs de la Big Tech, appelés « gatekeepers » ou « contrôleurs d’accès » dans cette nouvelle loi.

Le règlement vise à empêcher ces grands acteurs d’imposer des conditions jugées « injustes » par les législateurs aux entreprises et aux utilisateurs finaux. Elle vise à favoriser une plus grande interopérabilité entre les gatekeepers et les acteurs tiers, en vue de mieux protéger les utilisateurs et consommateurs. Notons un vrai changement de paradigme : plutôt que de réagir après coup aux obstacles à la concurrence (au moyen d’enquêtes antitrust souvent longues et complexes et aux sanctions financières considérées comme peu efficaces), l’Europe va dorénavant établir des règles claires dès le début pour prévenir ces pratiques.

Le déploiement du DMA a débuté en 2022 :

  • vote en juillet 2022 et publication au Journal officiel de l’UE en octobre 2022 ;
  • publication d’une liste définitive des gatekeepers en septembre 2023 ;
  • mise en application : 6 mars 2024.

Qui sont les gatekeepers ?

Les gatekeepers sont, selon le DMA, de grandes plateformes en ligne qui répondent à trois critères principaux :

  • une taille qui impacte le marché intérieur : l’entreprise réalise un chiffre d’affaires annuel supérieure 7,5 Md€ dans l’Espace économique européen (EEE) et fournit un service de plateforme principal dans au moins trois États membres de l’UE ;
  • le contrôle d’une passerelle importante pour les utilisateurs professionnels vers les consommateurs finaux : l’entreprise fournit un service de plateforme principal à plus de 45 millions d’utilisateurs finaux actifs par mois établis ou situés dans l’UE, et à plus de 10 000 utilisateurs professionnels actifs par an établis dans l’UE ;
  • une position ancrée et durable : l’entreprise a répondu au deuxième critère pendant les trois dernières années.

À ce jour, 6 sociétés ont été identifiées comme gatekeeper pour 22 services essentiels.

La liste des gatekeepers sera amenée à évoluer. En effet, une nouvelle liste d’acteurs et de services sera publiée au moins tous les trois ans par la Commission Européenne. On peut en l’occurrence s’attendre à des évolutions de ces plateformes d’ici mars 2024.

Implications pour les gatekeepers

Les gatekeepers devront répondre à plusieurs nouvelles exigences de transparence et de coopération :

  • désabonnement : rendre aussi facile le désabonnement que l’abonnement à certains services proposés ;
  • désinstallation : permettre de désinstaller facilement de son appareil les applications installées par défaut par le constructeur ;
  • interopérabilité : ouverture des plus grands services de messagerie (WhatsApp par exemple) et assurer leur interopérabilité avec les plus petites plateformes de messagerie, si elles en font la demande ;
  • fusion/acquisition : prévenir la Commission européenne de toute opération de fusion/acquisition qu’ils effectuent ;
  • multichoix : ne plus imposer les navigateurs, moteurs de recherche par défaut sur les appareils et créer ainsi un système de choix multiples ;
  • données personnelles : ne plus utiliser les données personnelles des utilisateurs, sans leur consentement, dans le cadre de publicités ciblées.

Les régies réagissent

À ce jour, deux grandes régies ont commencé à se mettre en conformité :

  • Google a mis à jour Consent Mode, sa solution en place depuis 2020 suite à l’entrée en vigueur du Hard Opt-in en mars 2021 (les fameux bandeaux de consentement) qui permet de modéliser les conversions réalisées par des utilisateurs ne consentant pas au traitement de leurs données. Ce Consent Mode V2 permettra de récolter deux paramètres complémentaires pour permettre à Google d’être auditable sur la récolte du consentement. Le géant a également déployé une mise à jour obligatoire de son API pour conserver les audiences Customer Match qui étaient importées via cette solution et impose la migration d’Universal Analytics vers Google Analytics 4 pour conserver les audiences Analytics ou le pilotage Google Ads sur Goal Analytics ;
  • Meta a mis en place un abonnement mensuel pour permettre aux utilisateurs qui le souhaitent de continuer d’utiliser Facebook et Instagram sans que leurs données soient utilisées pour de la publicité ciblée.

D’autres plateformes sociales devraient suivre le mouvement de Meta, à l’instar de Snapchat qui est en train de déployer son plan sans publicité pour Snapchat+.

Meta et TikTok ont officiellement saisi le Tribunal de l’Union européenne pour contester la validité du DMA devant la justice européenne. La première conteste l’inclusion de Messenger (qui ne serait qu’une partie de son réseau social Facebook) et de sa plateforme de petites annonces Marketplace (qui, utilisée uniquement par les particuliers, ne remplirait pas le critère de « passerelle » entre des entreprises et leurs clients). La seconde rejette la désignation de gatekeeper, car elle ne réaliserait pas 7,5 Md€ de chiffre d’affaires sur le continent.

Notons que Google ne sait pas encore techniquement comment ils seront audités par la Commission européenne ni si les solutions mises en place seront validées en l’état.

DMA et marques

Le DMA apporte des changements positifs pour les annonceurs. Elle oblige les gatekeepers à fournir aux entreprises qui font de la publicité sur leur plateforme les outils et informations nécessaires pour effectuer leur propre vérification de leurs annonces hébergées par le gatekeeper.

Les annonceurs auront un accès plus grand aux données des utilisateurs, y compris les données agrégées et non agrégées en temps réel, qui étaient auparavant uniquement détenues par les grandes plateformes numériques. Cet accès accru permettra aux annonceurs d’analyser leurs données d’utilisateurs plus en profondeur.

De plus, les données de recherche, y compris les données de clic, de requête et de vue du moteur de recherche d’un gatekeeper, permettront aux annonceurs de placer des publicités plus précisément sur les pages Web pertinentes. Les gatekeepers seront également tenus de partager les données sur ce qu’ils ont payé à l’éditeur et ce que le gatekeeper a perçu de l’annonceur, par jour et par publicité, permettant une meilleure comparaison des services des concurrents par rapport à celle du contrôleur d’accès.

Cependant, ils doivent bien suivre l’évolution des régies pour se conformer aux nouveaux paramètres, comme c’est le cas pour Google. Si les deux nouveaux critères intégrés à Consent Mode V2 ne remontent pas vers Google, la mesure des conversions sera petit à petit dépréciée à partir du 6 mars 2023, jusqu’à nuire à la performance des campagnes.

Le DMA est donc sur le point d’apporter des changements significatifs dans le paysage du marché numérique, en particulier pour les gatekeepers. Cependant, ces changements ouvrent également de nouvelles opportunités pour les annonceurs, leur offrant un accès plus grand aux données et des capacités de placement d’annonces améliorées.

N’hésitez pas à nous contacter si vous souhaitez obtenir des informations concernant les implications du DMA pour votre situation spécifique.