Entretien avec Magali Florens, CEO de MindShare France (GroupM/WPP)

Magali, tu peux évoquer ton parcours ?

Je travaille depuis 1987, j’ai 51 ans. A la base, je suis ce qu’on appelle une Media planner,  plutôt dans le domaine du conseil, de la stratégie et la gestion de la relation client. Je n’ai jamais été Acheteur media en tant que tel, même si quand tu prends des responsabilités dans ce métier, tu es impliquée, tu en maitrises les rouages et tu es souvent partie prenante de la négociation. Je me suis formée sur le tas.

Une carrière dans les media, la publicité, c’était un choix, une passion, un hasard ?

Un coup du hasard ! J’ai fait une école de commerce. A l’époque on parlait de comm, de pub, mais le Media planning, je ne connaissais pas. J’ai fait un stage chez IP, la régie de RTL et autres stations de radio, au marketing et au service études. C’est comme ça que j’ai découvert le métier. A la fin de mon stage, j’ai dit au type qui m’encadrait « j’ai découvert ma voie, c’est ce que je veux faire de ma vie ». Il m’a conseillé d’aller en agence de pub, pour le côté polyvalent et pluri-clients. Je ne suis jamais revenue à la radio. J’ai ensuite été fidèle aux boîtes dans lesquelles j’ai collaboré et surtout aux personnes pour lesquelles j’ai travaillé. En tout 4 agences. J’ai connu une évolution relativement rapide, c’était plus facile à mon époque.

J’ai commencé par un métier, le media planning, où il y avait peu d’intervenants. On devait être 1 500 en France, contre 5 à 6 fois plus aujourd’hui. Au bout de deux ans dans ma première boite, mon patron est venu me voir en me disant « ton responsable s’en va, tu prends le job ». Lorsque je lui ai dit que je refusais, ne m’en sentant pas capable, il m’a répondu : « je ne veux pas le savoir. Tu peux le faire, fais-moi confiance, tu y vas ».

C’était une belle opportunité pour apprendre et progresser.

Oui, absolument. J’ai ensuite rejoint une agence de pub qui appartenait au groupe Havas, et qui n’existe plus aujourd’hui. J’y suis restée 4 ans avant  d’intégrer l’agence Grey, à partir de laquelle Mediacom a été créée. J’ai grandi avec Mediacom, avec 2 ou 3 fonctions différentes, dont  Directeur Commercial. J’ai été chassée par OMD, où je suis devenue Directrice générale d’une des entités en 2007.

Avant Mindshare.

Oui, Mindshare c’était en 2010. Je connaissais Dominic Proctor, l’actuel patron monde de GroupM et à l’époque chez Mindshare, à la tête du réseau mondial. On s’était croisé dans un jury à Cannes. Ça fonctionne comme ça : les connaissances, le réseau, le bouche à oreille.

Qu’est-ce qui te plait dans ton travail au quotidien, te donne envie de te lever le matin ?

Les gens. Je bosse vraiment pour eux. Je m’en suis rendue compte tôt. Les gens qui me recrutent tout comme les gens avec qui je travaille.

Quelles personnes t’ont particulièrement inspirée ?

Dans la situation actuelle, indéniablement Pierre Conte. Je ne devrais probablement pas le dire, mais c’est sincère. Je vais t’expliquer pourquoi. J’ai travaillé avec lui chez OMD. C’est aussi quelqu’un qui aime les gens, c’est un humaniste, une personne intègre, honnête, courageuse. Même s’il a parfois un caractère fort. Je suis en confiance absolue avec lui, il fait partie des raisons pour lesquelles je viens le matin.

Il y a aussi les personnes de mon équipe, bien sûr. J’aime transmettre ce que je sais, ce que j’ai expérimenté. Ce métier est un mélange d’intuition, d’expériences. Au-delà des chiffres, il faut de la création et de la conviction. Plus tu as vu des choses fonctionner ou ne pas fonctionner, plus tu es crédible et plus tu réussis à challenger les gens, à discuter… et moi j’adore ça, discuter. Je reste très opérationnelle comme patronne (certains diront sûrement TROP !).

Discuter, transmettre… que dirais-tu justement aux jeunes, sans grande expérience, qui te rejoignent dans l’univers pub/media ?

De ne surtout jamais imaginer qu’on sait. Parce que ça change tout le temps. On est sur une offre qui explose, donc il faut se questionner en permanence et rester toujours à l’écoute. Surtout, ne jamais imaginer qu’on est arrivé, il faut beaucoup de modestie et d’endurance. Nous sommes sur des activités en dents de scie : si un jour un client t’envoie un email en disant « super bon job de la part de l’agence, ton équipe a été formidable », il peut très bien t’incendier la semaine d’après  parce que  -je caricature à peine- tu as oublié la virgule dans le tableau de reporting.

Enfin une dernière question : comment perçois-tu l’arrivée de Keyade au sein du groupe ?

Je trouve que ça donne un grand vent d’air frais sur la posture entrepreneuriale ! Dans le groupe, on avait KR Media, une agence créée et dirigée par deux entrepreneurs figures sur le marché. Elle conserve un statut un peu particulier dans le groupe mais ça y est, elle rentre dans les formats WPP. On a toujours envie que nos équipes s’approprient l’avenir de l’agence. Et Keyade apporte ça, il faut que ça dure.

La deuxième perception que j’ai de l’agence, c’est cette notion d’artisan, au sens travail bien fait, super premium, avec cœur. C’est rassurant de se dire qu’il y a encore de la place sur le marché pour des offres comme celles-ci. On sait que potentiellement, si on a besoin d’aller chercher ce type de service pour un de nos clients, vous êtes là et on a ça dans le groupe.

Si tu avais dû inventer quelque chose, ce serait quoi ?
Je pense que ça existe mais j’adorerais inventer le shazam pour reconnaitre les gens !